Aujourd’hui j’ai reçu 4 invités à la table de « Passion sans Modération » :
Sophie Gaubert, consultante marketing et branding au sein de Sophie brandstoryteller et Culina Fabula.
Chef Damien, le chef iconique du site de recettes 750g et aujourd’hui chef du restaurant 750g la table.
Florian Meizaud, fondateur de Fiertile, une boutique et un site internet qui met en valeur les produits du Limousin, sa région d’origine.
Je vous laisse avec la discussion.
Virginie Legrand : Bonjour et bienvenue dans mon podcast ! Aujourd’hui, je suis très fière de recevoir pour le tout premier épisode des personnalités ambitieuses, passionnantes, passionnées, expérimentées, remplies de belles valeurs qui font écho aux miennes. Nous avons la chance d’être avec Damien Duquesne. Bonjour Damien !
Damien Duquesne : Bonjour.
Virginie Legrand : Bonjour Sophie Gaubert !
Sophie Gaubert : Bonjour.
Virginie Legrand : Bonjour Florian Meizaud !
Florian Meizaud : Bonjour.
Virginie Legrand : Trois personnalités qui ont pour valeur, mission et ambition de faire régner la belle gastronomie dans notre France, sur notre terroir, sur notre terre et dans nos cœurs. Alors Damien, vous êtes le co-fondateur du site de recettes 750g, puis ensuite un restaurant. Pourquoi ce nom, 750g ?
Damien Duquesne : 750 grammes c’est mon frère Jean-Baptiste qui est absolument passionné de vin, c’est plus qu’une passion. Il avait créé le premier site web de vin qui s’appelait 75centilitres.com.
Et moi j’étais commis, enfin commis un petit peu chef à l’époque. Il me dit : « donne moi des recettes pour mettre sur mon site de vin ».
Je donne des recettes et il s’aperçoit que les recettes plaisent et intéressent beaucoup plus les Français que les données techniques du vin.
Donc il a l’idée de dire 75cl, on va prendre le poids et ça devient 750g. Alors c’est pas un coup marketing extraordinaire, parce qu’il a fallu l’assumer, parce que derrière on avait Marmiton quand même.
Marmiton ça claque, et nous 750 grammes on a un peu ramé pour arriver au site numéro 2 de la cuisine et imposer ce nom.
Et encore aujourd’hui, il y a des gens qui disent : « ah oui, je connais ».
Virginie Legrand : Moi je pensais que c’était lié à la pâtisserie en fait.
Damien Duquesne : Et non. C’est rigolo parce que les gens disent, c’est le poids du steak. Non pas du tout. C’est le poids d’une bouteille de vin. D’ailleurs je suis venu avec mon sommelier. Très important. Et mon frère fait du vin aujourd’hui.
Virginie Legrand : Super.
Et comment tu es passé en fait du site internet à l’ouverture de ton restaurant ?
Damien Duquesne : Ben en fait, on a revendu le site, donc j’ai eu un petit peu d’argent. Et puis, comme je suis quelqu’un un petit peu d’action, je me suis dit, avoir de l’argent sur un compte en banque ne m’intéresse pas du tout. Et autant le dépenser, autant le claquer et faire un truc rigolo.
Et c’était pas du tout rigolo, j’ai fait une grosse bêtise, j’ai ouvert un restaurant. Et je croyais que c’était fun, parce que je voyais des mecs à la télé en disant, wouah c’est cool, etc. Mais en fait c’est…
Virginie Legrand : C’était en août 2015.
Damien Duquesne : En fait c’est un métier qui est très dur, passionnant, extraordinaire, mais… si vous avez de l’argent à placer…
Virginie Legrand : Franchement… Le conseil de chef Damien !
Damien Duquesne : En fait, il y a deux très beaux jours dans la vie d’un restaurant, c’est quand on l’achète et quand on le revend. Et entre, c’est une galère sans nom, mais c’est… Non, non, je déconne, mais on s’éclate. C’est un très beau métier, mais c’est très très dur, mais quel métier !
Virginie Legrand : Alors justement, la problématique d’aujourd’hui, c’est le recrutement dans les restaurants. Comment, toi, tu gères ça ? Parce que moi j’ai beaucoup de confrères qui disent que c’est très très compliqué à la fois de donner envie de venir dans un restaurant de travailler parce que c’est passionnant mais en même temps il y a beaucoup de contraintes.
Damien Duquesne : Bon on va parler cash.
Virginie Legrand : Parlons cash, ici on est cash.
Damien Duquesne : En fait moi je travaille qu’avec des étudiants en salle. J’ai une vraie équipe de cuisine un petit peu solide qui sont là depuis l’ouverture. J’ai décidé de ne travailler qu’avec des étudiants.
Moi je suis prof à la base, je suis prof de cuisine, j’adore les jeunes, j’adore former, etc.
Donc je me suis séparé un petit peu, ou ils se sont séparés de moi, de tous les professionnels serveurs.
J’avais des incompatibilités d’amour avec eux. C’est-à-dire qu’on n’avait pas la même passion, la même envie.
Et aujourd’hui j’ai que des étudiants, j’ai un pool d’à peu près 20 étudiants qui viennent à la carte.
Et ce qu’il faut comprendre c’est que la moitié des étudiants qui travaillent chez moi sont d’abord des clients. Ils sont venus manger avec leurs parents, ils sont venus manger en famille avec leurs copains, etc.
Ils ont kiffé le restaurant et ils disent j’aimerais travailler dans un restaurant comme ça parce qu’on voit que ça a du sens.
Je pense qu’aujourd’hui, si vous allez dans un restaurant qui est un peu fatigué, avec des serveurs un peu fatigués, vous n’allez pas faire rêver les jeunes.
Et là, ils aiment parce qu’il y a de l’engagement, il y a un lieu, il y a une implication. Les étudiants, ils mangent ce qu’ils veulent à la carte, dans le restaurant. Ils sont bien traités. Hier soir on a bâti un record et on a ouvert une bouteille de Condrieu. Enfin voilà, on fait des choses sérieuses.
Virginie Legrand : Alors Condrieu, pour ceux qui ne connaissent pas le très bon vin de Condrieux, Chef Damien.
Damien Duquesne : — C’est tout simplement… Pour parler d’argent, c’est tout simplement le vin le plus cher de ma carte.
Et chaque fois que je bats un record, j’offre des très belles bouteilles à ces jeunes pour qu’ils s’éduquent, pour qu’ils goûtent des choses.
Il peut y avoir des Chablis grands crus, etc. Parce qu’il faut savoir remercier, il faut savoir encourager. Et aujourd’hui, je fais pas le malin. Parce que j’ai un restaurant simple, moi. Que le gamin, il serve à droite, à gauche, qu’il soit… Du moment qu’il ait le sourire et qu’il y a de l’amour, le reste je m’en fiche, moi.
Virginie Legrand: En fait je crois que je suis ravie de t’avoir aujourd’hui pour le premier podcast parce que tu es très anti-conventionnel et très anti-conformiste comme un petit peu moi. Donc ça résonne beaucoup.
Damien Duquesne: Mais ici on a autour de la table pas mal de gens qui ont des projets aussi anti-conformistes où on voit des…choses qui se passent et puis on a des gens qui se disent : « bah tiens je vais faire autrement, j’ouvre une épicerie ».
Virginie Legrand : La transition, c’est mon podcast. C’est notre podcast. Donc, effectivement, j’ai la chance, le privilège aussi d’avoir à ma table Florian Mézaud, qui a ouvert une épicerie autour des produits du Limousin en mars 2021, qui s’appelle Fiertile. Déjà, peux-tu me dire quelle est la genèse du nom de l’entreprise ?
Florian Mézaud : Alors si je peux me permettre, c’est une idée qui est née durant le confinement, on s’emmerdait tous à ce moment-là. Et puis on avait tous envie de changer le monde, de tout claquer et de tout remettre sur la table un petit peu dans l’ordre. et j’ai eu l’envie peut-être un peu folle de valoriser mon limousin et de peut-être avoir la prétention de dire qu’on pouvait bien y manger et qu’on pouvait même exporter cette alimentation plutôt pas mal en région parisienne. J’ai décidé de l’appeler Fiertile parce que pour moi il faut être fier de manger sur nos terres fertiles, il faut être fier du terroir français, il faut être fier de nos artisans et de nos agriculteurs, voilà.
Certains disent que ce sont des bouseux et moi je pense que ce sont plutôt des gens qui nous font manger. Et parfois on dit que sans paysans il n’y a pas de pays. Alors j’imagine que c’est vrai, en tout cas les clients me le font comprendre.
Virginie Legrand: Alors si je peux me permettre Florian, moi je suis la première à dire, moi je suis cheffe, que je ne suis qu’une transformatrice. C’est-à-dire que sans les maraîchers, sans les poissonniers, sans les bouchers, sans les artisans, sans les agriculteurs qui nous donnent toutes les ressources, je ne pourrais rien faire. Donc c’est extrêmement important de les valoriser. Et du coup, cette idée du terroir, c’est vrai que je pense qu’il faut aussi être capable de l’encenser et non pas de dire que voilà, c’est la campagne et que la campagne ne vaut rien par rapport à Paris. Donc ton projet est extrêmement beau. Sur ta page Instagram, j’ai lu ton ambition qui disait, je reprends tes termes, j’ai souhaité créer un écosystème équitable pour une chaîne alimentaire durable avec la confiance des gourmets. Explique-moi ce credo.
Florian Mézaud: Travailler avec les artisans et les agriculteurs c’est très très dur parce que il y a du travail, il y a de la saison, il y a des problématiques météorologiques, il y a des problèmes de pénurie, il y a des problèmes de logistique. Donc travailler avec des artisans et des agriculteurs c’est compliqué et effectivement il faut admettre ne plus avoir de confiture, ne plus avoir de porc noir, ne plus avoir de de miel de châtaignier. L’idée c’était de montrer aux gourmets que s’ils souhaitaient manger tout au long de l’année des choses bonnes, il fallait qu’ils acceptent
1. de payer le prix,
2. d’accepter les saisons et puis
3. d’accepter aussi que la myrtille sauvage il n’y en a pas tout le temps ou ou que la bolognaise ou notre bœuf tomate, effectivement il n’y en a plus et il n’y en aura que dans trois mois parce qu’il faut que les animaux se forment.
C’est compliqué en fait pour un parisien de se dire bah moi j’aime bien votre confiture pomme noisette et je pourrais la retrouver que dans trois mois bon bah je vais aller ailleurs alors.
Virginie Legrand: C’est souvent ce qu’on me dit. En fait c’est gérer la frustration en fait aussi, on peut pas avoir tout de suite ce qu’on veut.
Florian Mézaud: Oui mais c’est vrai que manger en fait c’est pas uniquement appuyer sur un bouton c’est soutenir un savoir-faire, c’est soutenir l’agriculture, l’artisanat, un savoir-faire. Et ça c’est très très frustrant pour le consommateur parce que depuis le plus jeune âge on nous a éduqué à acheter un prix et à aussi faire comme le copain, comme le voisin et comme la publicité.
Ce qui m’interpelle encore c’est qu’aujourd’hui quand on nous ouvre la télé, quand on ouvre un prospectus, quand on va dans un magasin, la première chose qui nous parle, c’est la promotion, c’est l’offre, c’est la quantité. Alors que chez Fiertile, c’est complètement l’inverse. On est sur un écosystème durable, c’est-à-dire qu’on imagine avoir toute l’année Et cela pendant plusieurs années, la même chose, mais il faut respecter à la fois l’humain, à la fois la nature, et à la fois les fonctions support.
Virginie Legrand: Merci beaucoup Florian.
Damien Duquesne : Je suis un peu jaloux de ton nom. C’est super, c’est super bien trouvé. Franchement, bravo à toi.
Virginie Legrand : Moi, j’ai suivi en plus l’aventure du début et il explose parce que je pense qu’il est vraiment dans la compréhension du vrai, du vrai manger, du manger vrai, du pur, du brut. Et je crois qu’on est en recherche de sens aussi par rapport à tout ça aujourd’hui.
Florian Mézaud: Si je peux me permettre, je peux remercier aujourd’hui, je ne sais pas s’ils l’écouteront, mais j’ai essayé de leur transmettre l’école HEC, donc une école de commerce à Paris, qui a sélectionné le projet pour le présenter à leurs étudiants master et leur montrer que finalement, je crois qu’on avait oublié les RH dans leur formation et que finalement … on peut avoir une très belle idée, on peut avoir l’envie de conquérir le monde, mais si on oublie l’humain et bien finalement l’activité ne va pas très très bien se développer, ou en tout cas elle va se développer par force et un jour elle va dépasser les lignes rouges et elle va retomber comme un soufflet.
Virginie Legrand: Merci Florian. Alors je voudrais vous présenter ma troisième invitée, Sophie Gaubert. Tu es consultante freelance en stratégie de communication et tu impulses des partenariats d’influence entre les marques et les chefs. Quel est exactement ton rôle, ton ambition et ta valeur ajoutée ?
Sophie Gaubert : Alors moi ce que j’adore faire, c’est créer des partenariats entre les marques et les chefs. Aller sonder au plus profond de l’ADN d’une marque, son âme, ses tripes, et aller chercher un chef qui va pouvoir l’incarner, l’amener plus loin. Donc il y a vraiment un travail d’audit, de compréhension, d’interview pour vraiment comprendre ce qu’est la marque.
Virginie Legrand: D’immersion, on pourrait dire ça.
Sophie Gaubert : Complètement. Et moi, après, avec ma connaissance du milieu des chefs, je vais aller chercher le chef dont la personnalité va matcher avec cette marque. Donc, il y a un premier travail assez intense de stratégie.
Et après, il y a un travail très excitant et enthousiasmant de création, de conception de création de contenu pour aller storyteller le partenariat.
Je vais imaginer une série de contenus, photos et vidéos, pour raconter les fondamentaux de cette collaboration.
Expliquer pourquoi le chef fait ce partenariat. Parce que moi, franchement, les partenariats qui ne font pas sens, ce n’est pas du tout ma tasse de thé. Malheureusement, il y en a beaucoup sur les réseaux sociaux. Ce que j’aime, c’est vraiment faire ce que j’appelle des partenariats « meaningful », où du coup, ce n’est pas juste pour donner de la visibilité à une marque qu’un chef va faire ce sujet.
C’est parce que lui-même est convaincu par la marque et qu’il a envie de la défendre.
Et donc après je travaille en mode collectif avec un pool de partenaires photographes et réalisateurs pour produire les contenus. Et ça m’éclate.
Virginie Legrand: Depuis combien de temps tu fais ça ?
Sophie Gaubert : Alors, je suis freelance depuis trois ans. Avant, j’ai passé 16 ans en agence et le freelance me permet de constituer la feuille de route qui me fait rêver. Et ça, c’est génial. Je peux travailler comme je veux, faire ce que je veux et m’entourer de gens aussi passionnés que moi. Voilà.
Virginie Legrand : Et il y en a beaucoup.
Sophie Gaubert : Il y en a beaucoup.
Virginie Legrand: Alors ton site s’intitule Sophie Brand Storyteller. Est-ce que tu peux expliquer à nos auditeurs néophytes ce qu’est le storytelling ?
Sophie Gaubert : Tous les mots en « ing ». Moi j’adore tous les mots en « ing ». Branding, storytelling… Ma définition du storytelling, ce serait l’art et la manière de raconter de belles histoires. Mais je ne vais pas inventer des histoires.
Damien Duquesne : C’est pas pareil.
Sophie Gaubert : Non. On n’est pas dans une fiction, on n’est pas dans un roman. Par rapport à ce que je disais tout à l’heure d’aller sonder ce qu’il y a au plus profond de l’âme d’une marque, Ce à quoi moi je m’attache, c’est d’aller storyteller la promesse, la personnalité, les valeurs d’une marque au travers d’un chef. Et ce, dans un temps long.
Parce que le storytelling, c’est entretenir l’intérêt sur un temps long. Et les réseaux sociaux amènent à ça, parce qu’on doit prendre la parole plusieurs fois par semaine. Et donc, il faut constamment renouveler l’intérêt. Et moi je m’oppose et je suis parfois révoltée contre la standardisation des contenus que l’on peut observer sur les réseaux sociaux.
Quand même, il y a beaucoup de contenus, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Et du coup, on ne peut pas venir défendre une identité, un art de vivre, une passion. parce qu’on fait exactement comme tout le monde.
Donc moi, ce que je défends avec ma vision du storytelling, c’est justement de mettre une identité, quelque chose de spécifique, de vraiment identitaire et différenciant pour raconter l’art de vivre propre d’une marque.
Damien Duquesne : Et normalement, ça devrait marcher mieux.
Sophie Gaubert : Tout à fait, parce que c’est plus authentique, c’est plus engageant.
Virginie Legrand : Et ça sonne vrai, finalement. Je pense que là, déjà, le point commun, je prends mes petites notes, mais le point commun entre les trois, ce sont des convictions, la recherche de la vérité, du vrai, et le je n’ai pas envie de tricher, je n’ai pas envie de montrer quelque chose qui n’est pas le vrai envers du décor, finalement.
Et je pense que c’est ce qui manque sur les réseaux sociaux parce qu’on a tendance à vouloir faire la même chose pour finalement un résultat qui ne touche pas sa cible.
Sophie Gaubert : Et c’est autant la stratégie que l’exécution. Parce que les typologies de contenu sont tout le temps les mêmes, on voit les reels sur Instagram, c’est toujours les mêmes types d’images, de montages, c’est les mêmes photographes. Donc moi j’ai justement essayé de m’entourer de photographes qui ont une patte spécifique, qui vont défendre des visions d’auteurs, pour justement, ben voilà, quand on voit une photo pour un de mes clients, c’est pas le même contenu qu’une autre marque.
Virginie Legrand : Alors justement Sophie, j’ai oublié de dire que tu étais focus sur un nouveau projet, un énième, qui t’exaltait beaucoup. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Sophie Gaubert : Oui, alors en fait c’est la continuité de ce que je fais, mais moi aussi je fais mon storytelling. Pour le raconter. Parce que depuis trois ans que je suis freelance, je travaille en collectif avec mes partenaires photographes et réalisateurs.
Et cette notion de collectif, c’est ce que je vais cristalliser là en cette rentrée pour faire moi aussi mon branding.
Et donc on va donner corps à ce collectif au travers d’un nom, d’une mission, d’une promesse. Et notre promesse, ça va être justement de défendre un storytelling pointu au service des marques food et art de vivre.
Donc halte à cette standardisation de contenu, on va vraiment s’attacher à mettre le fond sur la table et choisir des parties prises pointues de réalisation et d’exécution, avec un choix de focale qui va correspondre à l’émotion qu’on veut transmettre, avec une direction artistique qui va nous immerger dans une histoire.
Ce collectif dont je ne peux pas encore vous dévoiler le nom parce que le dépôt de marque est en cours.
Virginie Legrand : Nous patienterons.
Sophie Gaubert : Mais je vous dirai tout ça sur mes réseaux sociaux.
Damien Duquesne : C’est pas Fiertile ?
Virginie Legrand: Alors, si je reviens sur Fiertile, justement, Florian, tu t’es installé en février dernier dans une boutique éphémère à Clamart, rue Paul Vaillant Couturier. Je vous invite à aller voir cette petite épicerie formidable.
Es-tu satisfait du taux de fréquentation ? Quel est le panier moyen ? Et quels sont les produits fétiches ?
Florian Mézaud : Effectivement, je n’y croyais pas, j’ai ouvert cette épicerie éphémère, on va dire, parce qu’on était de passage? Je dis on était, parce qu’il y a un projet qui vise à s’installer dans ce joli quartier. Au début, les gens se posaient la question, vos produits sont quand même chers monsieur, c’est vrai que le miel c’est un peu cher et puis en plus il est un peu fort.
Virginie Legrand : Combien le miel, à peine ?
Florian Mézaud :Donc le miel, 500 grammes, il est à 16,90 euros et les trois pots sont à 35 euros. Effectivement, c’est cher. Il faut savoir qu’il y a un travail de titan. Beaucoup de nos apiculteurs ont des problèmes de dos, c’est la vraie vérité. C’est un travail sans relâche, quand il fait 35 ou 40 degrés, il faut aussi être en combinaison. Et je crois qu’aujourd’hui, et encore plus que jamais, si on n’achète pas le prix, on n’achète pas un produit à un prix convenable, en fait, on se rend pas compte de ce qu’il y a derrière.
Et c’est un petit peu la démarche, en tout cas le miel, c’est un produit que j’ai voulu volontairement mettre un petit peu cher. parce que le miel n’est pas un produit infini et c’est en fait pour moi un produit très rare et donc du coup on doit le consommer avec parcimonie et pas forcément le manger à la petite cuillère comme certaines moutardes pour rester dans l’actualité.
Et donc du coup, concernant votre question, la fréquentation, malheureusement, je ne touche pas tout le monde, et les jeunes, parce que je suis beaucoup moins marketé comme certains cafés très connus, c’est pas une question de prix, c’est une question de marketing.
C’est-à-dire que quand on passe devant mon épicerie, je ne suis pas sous enseigne, on n’a pas vu la publicité 40 fois sur les réseaux sociaux ou à la télé, pourtant le café est moins cher que certaines marques, mais on n’a pas ce pouvoir marketing qui donne envie de rentrer intuitivement.
Donc on va toucher les 45-90 ans, plutôt des femmes, et notre fréquentation, on est entre 5 et 20 clients par jour avec un panier moyen à 40 euros.
C’est-à-dire que les gens achètent une histoire, et moi j’adore les personnes qui rentrent dans l’épicerie et qui disent je ne veux rien acheter, parce que je leur réponds ça tombe bien, je n’ai rien à vendre. j’ai que des histoires à raconter. Et bien évidemment, tout le monde repart avec son petit sac gourmand. Et la plus belle chose, c’est que les gens reviennent et que tous les jours, il y a de nouveaux clients.
Virginie Legrand: Et je pense que tu mérites ce succès.
Florian Mézaud : Merci beaucoup.
Virginie Legrand: Vraiment. Du coup Damien, je rebondis en off, on a beaucoup parlé d’écologie, de nature, très posément. Donc tu as une vraie sensibilité assez exacerbée pour l’écologie et j’ai vu que tu avais fait il y a quelques mois une campagne pour créer une micro-ferme en permaculture.
Florian Mézaud : Non.
Virginie Legrand: Ok, j’ai mal posé mon sujet, attention sur LinkedIn c’est ce qu’il y a de noté.
Damien Duquesne: Non, non, non, impossible.
Virginie Legrand: Bref, mais on a discuté que tu avais un joli projet 360. Une certaine Oasis.
Virginie Legrand: Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Damien Duquesne: Oasis, c’est pas la marque dégueulasse qui empoisonne les enfants tous les jours.
Virginie Legrand: C’est ça.
Damien Duquesne: Ça n’a rien à voir avec ça. Non, non, en fait j’ai… Est-ce que.
Virginie Legrand: Donc ce beau projet.
Damien Duquesne: En fait, j’ai ouvert un restaurant, et il y avait cinq énormes bacs de terre brûlées, avec rien du tout, des gravats dedans, qui appartenaient à la copropriété en face. Et quand j’ai vu ça, j’ai dit, je vais pas passer ma vie à travailler comme un chien, avec des bacs de terre brûlées.
Donc j’ai commencé à mettre quelques sacs de terreau, j’ai commencé à mettre un petit bout de romarin, un petit bout de basilic, et puis les voisins sont arrivés en disant, mais touche pas à ma copropriété, Alors j’ai dit écoute… Il me dit faudrait qu’on fasse un… Tu vas faire quoi ? J’ai dit je vais vous faire un jardin.
Le mec il m’a dit mais faut qu’on fasse un contrat. Nous on fait tout par contrat, parce qu’ils avaient peur que je leur demande de l’argent. Alors j’étais en train de bêcher, j’ai dit le contrat c’est ma bêche.
C’est l’assurance que ça va bien se passer. Donc il m’a dit ok on te fait confiance.
J’ai mis quelques tonnes de terreau. de terreau, de terreau. J’ai commencé à mettre des plantes partout. J’ai eu 100 plantes aromatiques. Ça fait un peu jungle, le truc.
J’ai construit un hôtel à insectes. J’ai commencé à mettre des nichoirs à oiseaux, des nichoirs à hirondelles, des nichoirs à chauves-souris. Je mets des abreuvoirs à oiseaux, etc. Et miracle, Une terre brûlée, on était à peu près comme à Dubaï, à peu près. C’est devenu un… Il y a des sauterelles, il y a des oiseaux qui nichent, etc. Il y a des vers de terre, il y a des coccinelles, il y a des gendarmes, etc. La vie revient, en fait. C’est un peu… C’est extraordinaire, quoi. J’ai vraiment, vraiment ça.
Donc je fais mes récoltes de plantes. On est auto-suffisant en verveine, on est auto-suffisant en pas mal d’herbes aromatiques. Je fais mes rhums arrangés avec les dix herbes du jardin, les lauriers, les trucs comme ça, comme une sorte de, pas de Genciane, mais de Bénédictine. Donc je fais ma bénédictine arrangée. Et en fait c’est super encourageant, parce que la vie repart et ça crée du lien social aussi.
Les gens viennent, moi j’ai des mamies du quartier qui n’ont pas de jardin, elles viennent se frotter les mains à la verveine, des fois elles me piquent des trucs de verveine pour se faire une tisane, j’ai le voisin du dessus qui dit je peux prendre un peu de romarin parce que je suis en train de faire un bourguignon, etc.
Virginie Legrand: Il met du romarin dans son bourguignon ?
Damien Duquesne: Moi je kiffe les arbres aromatiques, j’en fous partout.
Virginie Legrand: Ah oui d’accord, mais moi je mets du thym.
Damien Duquesne: Ah moi je mets du thym, du romarin, du laurier, de la sauge, ah ouais mais faut que ça… Faut que ça envoie. Et c’est très très bon pour la santé en plus, donc c’est incroyable. Donc voilà, et donc ça, puis après on a la chance d’avoir des start-up comme Vépluche qui nous livrent tous les fruits et légumes en vélo électrique, on récupère tous les déchets.
Nous un verre d’eau de client il est surtout pas mis à la poubelle, le verre d’eau il est… Quand on vide les verres pour les laver, on a un petit saut, tac, on récupère l’eau du verre d’eau, même la bière, on va arroser des plantes, etc. On essaye de faire bouger les choses. On va pas sauver le monde. On fait notre part, en fait, comme dans le colibri de Pierre Rabhi. Et puis on va…
Virginie Legrand: Explique, explique l’idée du colibri.
Damien Duquesne: Il y a une légende amérindienne que racontait très bien Pierre Rabhi. Il y a un énorme incendie de forêt. Les animaux, ils n’ont pas la technicité des pompiers. Même on voit aujourd’hui que les pompiers, des fois, ils n’arrivent plus à maîtriser. Il y a un tout petit colibri, là, qui a un tout petit oiseau. Il court à la source. Il prend trois gouttes d’eau. Il crache sur l’incendie, il fait des allers-retours.
Tous les animaux terrassés, ils disent mais… Colibri, qu’est-ce que tu fais ? Ça sert à rien. Il dit, je sais, ça sert à rien, mais je fais ma part.
Et nous, on essaye de faire ça modestement. Et… Moi, très honnêtement, dans mon restaurant, si… Tous les produits que j’ai, si y’a un produit que j’aime pas, je n’en vends pas, quoi.
Je fais pas de burgers, je fais pas de Coca-Cola, je fais pas ces trucs-là. Parce que ça ne me convient pas. Donc je préfère perdre des clients. Bon, j’en perds pas beaucoup, hein. J’en gagne plus que j’en perds. Mais je préfère que de renier mes convictions.
Par exemple, il y a un touriste qui est venu avec une canette de coca, je dis « Monsieur, ici c’est comme si vous rentriez avec une bombe atomique dans le truc, vous allez quitter l’établissement. » Parce que le Coca-Cola est interdit dans cet établissement. Et donc il n’a pas compris, et j’ai dit « Monsieur, sortez de l’établissement. » Je préfère perdre des clients que de vendre mon âme.
Je pense que nous, restaurateurs, on a des comptes à rendre. On a des comptes à rendre. Pour ne pas attendre les politiques, il faut qu’on fasse des choses.
On doit éduquer les gens, comme Fiertile. Vous, quelque part, vous éduquez les gens, vous aidez les gens à grandir et à devenir plus intelligents. Et on doit avoir des convictions aussi écologiques, qui doivent être marquées. Moi je dis souvent, il n’y a pas de négociation, j’ai aucune négociation avec personne, c’est-à-dire que… Pas de compromis. Pas de compromis, si quelqu’un rentre dans mon établissement et qu’il y a quelque chose qui ne convient pas, je lui dis Monsieur, levez-vous et quittez l’établissement, j’ai aucun souci.
Virginie Legrand: Parce que tu vas jusqu’au bout de ce que tu penses.
Damien Duquesne: Voilà, et je pense qu’aujourd’hui on doit être dans des mondes qui vont jusqu’au bout de nos convictions parce que quand on voit Ce qui est en train de se passer, le futur mondial de foot là, c’est une honte. C’est une honte, on devrait avoir honte.
Virginie Legrand: En fait c’est des paradoxes et des contradictions en permanence.
Damien Duquesne: Et moi je ne regarderai pas une image de ce mondial parce que je ne participe pas à cet écocide.
Virginie Legrand: Donc tu ne vas pas organiser des…
Damien Duquesne: Visionnages dans ton restaurant ? Non, on installe des bibliothèques, des salles de jeux, des jeux de société pour que les gens jouent ensemble. On est le contraire de ce monde que je ne veux pas, un monde de livraison, un monde ubérisé, etc. C’est pas mon monde, je veux pas ça, moi je veux un quartier qui bouge, je veux une épicerie à côté de chez moi. Je veux des paysans en France, je veux pas me balader dans le limousin dans cinq ans et voir que c’est un désert et qu’il n’y a plus de paysans.
Non mais c’est quoi ça ? Qu’est-ce qui se passe ?
Virginie Legrand: En fait, tu prônes la convivialité aussi, tout simplement, et le fait d’être avec l’autre, ensemble.
Damien Duquesne: Oui c’est ça, on est ensemble quoi, on est ensemble, et puis on est ensemble, on est responsable des autres. C’est comme dans Le Petit Prince, on est responsable des autres, c’est-à-dire je suis responsable de ma… La dernière fois, y’a une mamie du quartier, elle descend…
Virginie Legrand: La même qui prend le romarin pour son bourguignon ?
Damien Duquesne: Non, une autre. Elle, elle me vole de la tisane. La dernière fois, j’ai une histoire vraie. Un mec, il arrive dans une impasse, il arrive, tac, il se garde discrètement, il regarde, tac, tac. Il m’a piqué toute l’oseille. J’avais un magnifique pied d’oseille.
Virginie Legrand: Ah, tu parlais vraiment de la plante.
Damien Duquesne: Il m’a piqué l’oseille. Et il m’a rasé un énorme pied d’oseille. Le mec s’était dit, prends l’oseille, étire-toi. Et il s’est tiré. Il avait l’impression que j’avais pas vu, mais j’étais très content qu’il me fasse plaisir. J’aurais aimé qu’il me dise merci beaucoup pour l’oseille, mais non, il s’est barré, c’est un humain de l’oseille. Et du coup, c’est… Enfin, moi je suis formidablement heureux, formidablement en colère, mais formidablement heureux de faire ma part et d’essayer de faire des choses… Tu vois, le jour où je vais crever, je me dirais, bah tiens, j’ai essayé de faire un truc. Voilà. C’est tout simplement.
Virginie Legrand: — T’as laissé une trace avec du sens ?
Damien Duquesne: — Laisser une trace… Je suis pas sûr.
Virginie Legrand: Non mais, dans ce que tu proposes, dans ce que tu prônes… Tu parles de la jeunesse, moi j’ai été, avant d’être cheffe, j’ai été prof pendant 12 ans, prof de lettres, donc j’ouvrais à l’esprit critique, j’ouvrais au monde, j’ouvrais aussi à la tolérance, au fait de comprendre ce qui se passe autour de nous.
Et je pense que là aussi on a notre rôle, en tant qu’éducateur, en tant qu’instructeur, de démontrer que la vie la vie mérite aussi d’avoir des valeurs, et c’est ce qui nous manque, c’est ce qui nous perd aussi beaucoup dans la société aujourd’hui. Donc là, aujourd’hui, on arrive à se raccrocher à ça avec vos belles convictions.
Damien Duquesne: Avec un marketing qui nous écrase, un marketing de masse qui nous écrase et qui dit… J’ai un client qui me dit un coca, mais en fait c’est un réflexe comme un chien qui dirait tiens il est l’heure d’aller bouffer quoi, donc lui il dit un coca, mais monsieur on ne vend pas de poison ici.
Florian Mézaud: Et la personne répond quoi à cette…
Damien Duquesne: Il est très content, elle me dit 99,9% disent ah c’est génial, c’est génial, c’est extraordinaire, le mec il rentre en disant je veux un coca, tellement qu’il est habitué à marketer… et on lui dit monsieur on vend pas de poison ici et là le mec il dit ah oui c’est super je veux bien goûter.
Virginie Legrand: Et qu’est-ce que tu proposes alors ?
Damien Duquesne: Nous on propose une alternative, on fait nous-mêmes notre cola, on fait nous-mêmes nos sodas sauvages de prairie, on fait nos sodas alpins, etc. On a zéro zéro plastique.
Virginie Legrand: Est-ce que tu peux nous dire où est ton restaurant magique ?
Damien Duquesne: Oh magique, il est très modeste, très abordable. Non mais vraiment, c’est très important pour moi.
Virginie Legrand: Mais tu ne veux pas nous dire l’adresse ?
Damien Duquesne: Non parce qu’on n’a pas de numéro de téléphone. On n’a pas de réservation, on n’a aucune communication sur les réseaux sociaux, on n’en parle pas.
Virginie Legrand: Mais là, si on a envie d’y aller, nous.
Damien Duquesne: Mais je sais pas où c’est. Les clients partants nous disent est-ce que je peux avoir une carte de visite ? Je dis non, il n’y a pas de carte de visite ici, on n’imprime pas de papier, c’est trop compliqué.
Florian Mézaud: Est-ce qu’on peut se faire livrer ce soir ?
Damien Duquesne: Surtout pas, mais surtout pas, pas de livraison bien évidemment, parce que moi travailler avec des gens qui sont en dessous du SMIC et qui n’auront pas de retraite, ça ne m’intéresse pas. Donc Deliveroo, Uber, tout ça, c’est un scandale sans nom, ce truc. Et donc, bien évidemment, il n’y a pas de livraison.
J’ai une livraison, c’est-à-dire j’ai des gens très proches du quartier, qui viennent, qui commandent, et ils mangent dans l’assiette du restaurant. et c’est pas consigné bien sûr, c’est à la confiance, ils me ramènent une assiette le lendemain et ils partent avec le petit sachet de pain et les couverts du restaurant en fait, ils ont pas de couverts. Mais je veux pas participer à ce monde, c’est tout.
Florian Mézaud: En fait vous vous incitez à la responsabilité de chacun en disant je te propose une assiette et le bon sens doit faire que tu me la ramènes demain.
Damien Duquesne: Voilà et je pense qu’on a 99% des assiettes qui reviennent et en plus le client il revient et si on est bon il nous achète un café tellement qu’il est content, je plaisante mais c’est pas le but. mais stop, stop, stop, stop, il faut juste qu’on arrête le massacre quoi, parce qu’on est en plein massacre écologique et si on continue… Enfin moi quand je vois des pauvres gars sur des mobilettes, ça me rend triste quoi, ils ont aucune couverture sociale, enfin c’est une catastrophe quoi, c’est quoi ce monde quoi ?
Florian Mézaud: Est-ce que votre restaurant finalement touche toute la population ou est-ce que vous êtes dit finalement peut-être que les 18-25 ans ont un petit peu de mal à franchir le cap parce que justement je ne suis pas assez marketé.
Damien Duquesne: Je fais le malin comme ça, mais le restaurant il est beau, il est végétalisé, il a un côté un peu ingrédient. Déjà ça attire. On a la chance d’avoir beaucoup de jeunes parce qu’on est très abordable à nous.
On a une offre à 16 euros à midi. Moi les étudiants ils ont des prix spéciaux.
C’est-à-dire que j’en avais marre de voir des… Il y a deux facs à côté, je voyais des gamins qui ne pouvaient pas rentrer chez moi parce que c’était trop cher. Donc j’ai fait des offres boisson étudiante. Moi j’ai un étudiant, il vient tous les après-midi, il me squatte une table de 4 pendant tout l’après-midi, il prend un verre d’eau et un café, ça lui coûte un euro, et il reste 8-9 heures dans mon établissement. C’est génial, c’est génial. C’est ça un restaurant. Et puis après il y a des gens qui payent un petit peu plus cher, mais j’ai des promos pour les étudiants, je fais des prix spéciaux pour des associations qui s’occupent du handicap, etc. Et puis après, il y a du business, mais si tu… Il y a des clubs de jeux qui viennent tous les samedis jouer chez moi, etc. Un restaurant, c’est ça, mais… Si c’est juste faire du pognon, je le fais pas. Je gagne de l’argent, mais avec du sens.
Florian Mézaud: Donc c’est un vrai lieu de rendez-vous où chacun a sa place ?
Damien Duquesne: Ouais, on essaye. Et puis il y a plein de jeunes. Moi, quand je vois des gamins qui ont 18, 19 ans, j’ai même des… J’ai même des lycéens qui ont 15-16 ans et qui viennent chez nous, et je trouve ça génial, vraiment génial. Puis je vois, elles grattent leur monnaie, elles me payent avec 5 pièces de 20 centimes, mais… C’est beau, quoi. C’est ça un restaurant. Si on fait pas ça, mais on sert à rien, franchement, on sert à rien.
Virginie Legrand: Alors c’est assez bouleversant et émouvant quand même ton discours parce que c’est rempli d’amour finalement.
Damien Duquesne: Alors c’est rempli d’amour mais c’est ça parce qu’aujourd’hui, dans notre société, dès que tu fais un truc, ouah c’est génial ce que tu fais, ouah c’est incroyable de faire traverser la mamie, lui tenir la main pour faire traverser… Non c’est juste, c’est normal, c’est normal. Et aujourd’hui comme on a un siècle de bling bling et de ouah ouah ouah, un peu à l’américaine tu sais, that’s amazing et ce truc là, C’est amazing. C’est normal ce qu’on fait, c’est normal. Ce que tu fais, c’est normal. Et maintenant aujourd’hui tu fais un truc, c’est incroyable. On a pété les plombs quoi. Franchement, honnêtement, c’est pas…
Virginie Legrand: Alors j’ai une question importante. Je pense que le point commun, donc mon podcast s’appelle Passion sans Modération, et je ne peux pas ne pas vous poser la question, pour vous, ce qu’est la passion. Donc j’aimerais que chacun me donne sa définition de la passion. Florian ?
Florian Mézaud: Par exemple dans l’aventure Fiertile, souvent les gens me disent t’es un peu fou d’avoir entrepris, d’avoir quitté ton travail dans une institution. Effectivement j’étais bien au chaud et j’étais payé tous les mois. Aujourd’hui beaucoup de gens me disent, surtout les petites mamies qui me rencontrent et qui papotent parce qu’elles ont connu ces produits durant leur enfance.
Virginie Legrand: C’est les stars les mamies dans ce podcast ?
Florian Mézaud: Exactement. Elles me disent vous allez galérer, c’est compliqué. Je lui dis non non je fais juste quelque chose que j’aime et je crois que la passion c’est ça, c’est se lever le matin et ouvrir mon rideau comme un théâtre, faire monter les gens sur scène, discuter avec eux, leur faire vivre une aventure. Et le soir, refermer le rideau et recommencer le lendemain. Je crois que la passion c’est ça, c’est être libre et vivre selon ce que l’on aime. Voilà.
Damien Duquesne: C’est beau.
Virginie Legrand: C’est beau. Damien ?
Damien Duquesne: Moi, la dernière fois, il y avait deux petits couples de jeunes, là, je sais pas, 25-30 ans, puis ils ont passé la soirée en amoureux, tous les deux, puis ils nous voyaient courir dans tous les sens, etc. — Charbonnés. — Charbonnés comme des fous. Puis ils voyaient qu’il y avait quand même des choses qui se passaient, il y avait du rire… Puis à la fin, je passe à la table pour savoir s’ils étaient contents, ils me disent « Vous êtes heureux ? » Est-ce que… Vous avez l’air très heureux. J’ai dit, mais attendez, je suis très très heureux. C’est vrai que je suis heureux parce que je suis libre. Je suis libre de mes choix. Je suis libre de mes erreurs aussi, ça peut m’arriver de dire… Tu sais, je fais un truc au restaurant, je suis sans filet, il y a que… Si ça marche pas, c’est simplement ma faute. Et je leur demande de vous travailler dans quoi. Et les deux, ils avaient des… Ils étaient bardés de diplômes, ils travaillaient dans des gros cabinets de finance. Ils disent que notre vie est horrible en fait, elle n’a pas de sens. Il peut y avoir de la finance positive, attention je ne suis pas… Oui.
Virginie Legrand: On n’est pas en train de cracher sur ce bon métier.
Damien Duquesne: Mais eux, ils étaient dans un métier où ils ne s’éclataient pas. Ils gagnaient je pense beaucoup d’argent. Ils étaient au final pas très heureux et quand ils nous voyaient faire ce métier de charbonneur pas très physique quoi, tu vois, un peu presque à la mine quoi, ils disaient en fait ce mec il est heureux parce qu’il a la chance d’être libre, même si c’est dur. Et moi, pour parler de la passion, il y a une fable de La Fontaine que j’adore. C’est le chien et le renard. J’adore cette fable, vous la connaissez un petit peu ? Je vous la résume à ma façon. Et c’est un renard et un jour il est tout maigre, il vit dehors, etc. Et puis un jour il rentre dans une cour de ferme et il voit un chien dans un chenil. Et ce chien il est gras…
Virginie Legrand: C’est pas le chien et le loup ?
Damien Duquesne: Ouais peut-être, ouais peut-être, excuse-moi, c’est peut-être…
Virginie Legrand: L’ancienne professeure de lettres !
Damien Duquesne: Ah oui, excuse-moi, putain, merde. C’est le chien, le loup, t’as raison. Le chien, elle est très très belle. Et donc il voit le chien, il me dit mais t’as l’air super bien, et le chien il me dit mais attends, mais viens avec moi, t’auras ta gamelle tous les midis, tous les soirs, t’auras ta paille fraîche, etc. Donc le loup il commence à dire, il regarde, il est hyper envieux quoi. Et puis il me dit mais qu’est-ce que t’as autour du cou ? Et là il dit mais c’est une chaîne, c’est normal, c’est une chaîne. Et là le loup il dit mais non non, moi je préfère repartir avec ma liberté. Et nous, je pense qu’on est un peu comme ça. Et cette fable, alors excusez-moi pour le renard, mais j’adore. Il n’y a pas un mois sans que je pense à cette fable.
Virginie Legrand: Oui parce qu’en fait le loup est famélique dehors parce qu’il n’a pas forcément la nourriture qu’il veut, le chien est très confort, dans la sécurité, mais finalement c’est pas lui le plus heureux, on.
Damien Duquesne: Sait très bien que… Et la passion c’est ça ?
Florian Mézaud: Oui je crois que la passion elle va aussi un peu avec la folie, c’est-à-dire qu’on a un brin de folie.
Virginie Legrand: Je pense qu’on a… Et le risque, l’envie de risque.
Florian Mézaud: Une casque est peut-être pas allumée ou trop allumée en haut, qui nous donne l’envie de crocher, d’avancer.
Damien Duquesne: C’est pas très normal tout ça.
Virginie Legrand: Qu’est-ce qui est normal ?
Sophie Gaubert : Alors moi, la passion, c’est quelque chose qu’on a au plus profond de soi et qui nous anime. Et quand on a la chance d’en faire son métier, ce qui est mon cas, eh bien, ça m’amène à travailler sans avoir l’impression de travailler.
Virginie Legrand: Exactement. Et je pense que le dénominateur commun de ça, c’est vraiment cette idée de liberté. De dire qu’on a le choix de faire, de ne pas faire, de répondre à nos envies, que ça implique parfois aussi des contraintes, bien sûr, mais finalement, le rapport bénéfice-risque, on est sur 5 et 95%.
Damien Duquesne: Mais il y a toujours un déclic dans la passion, il y a toujours une rencontre qui fait que clac.
Moi, quand j’ai fait mon école hôtelière, j’étais franchement pas passionné par la cuisine. Puis un jour, paf ! Je travaille dans les étoilés, etc. Puis un jour, je rencontre une femme, qui s’appelle Aline, autodidacte, Bac plus 7 en psycho, Bac plus 7 en truc, une intello un peu soixante-huitardes, tu vois. Et je vais faire des extras chez elle, elle m’aura travaillé, elle m’a dit « Damien, tu travailles comme un idiot, tu fais n’importe quoi. » Et elle m’explique, elle me dit « Tu fais des grands gestes, tu gaspilles quand tu coupes. » Moi, on coupait bien dans le carré, tu sais, à la météo d’école hôtelière. Et elle me dit, ça n’a pas de sens.
Et cette femme, que je vois de temps en temps et que j’ai un respect extraordinaire pour elle, je n’ai jamais vu un grand chef comme elle, même si elle n’a pas de diplôme, elle m’explique, tu vois, il y a des saisons, il y a du sens écologique, il y a un respect du producteur, elle m’amène il y a 30 ou 40 ans voir des producteurs en biodynamie, etc. Elle m’explique tout ça avec son mari géologue, des intellos, et elle me remet droit sur ce sens de la cuisine. Et aujourd’hui, En gros, il n’y a pas un truc que je fais sans penser à elle, en disant mais en fait c’est elle qui m’a tout appris. Et ça a été mon déclic passionnel, amoureux de la cuisine. C’est-à-dire que c’est la question, dans vos trajectoires, comment vous avez pu un jour décider d’ouvrir un magasin, surtout que le Limousin n’est quand même pas le plus grand terroir de France.
Florian Mézaud : Justement, moi j’avais envie de faire le pari, quand j’ai ouvert ma société, il y a une bonne femme de Bordeaux, de la CCI de Bordeaux, que je remercie si elle écoute ce podcast, mais je ne pense pas, qui m’a dit votre truc ne va pas marcher, il faut faire de l’agroalimentaire, et puis vu que vous faites du terroir, vous n’aurez pas de financement. Et alors je l’ai remercié, je lui ai dit écoutez on se reverra dans trois ans, vous m’avez donné une force phénoménale, C’est dommage que vous n’ayez pas envie… C’est dommage que vous n’ayez pas envie d’utiliser les fonds publics, ce que c’est pas votre argent pour soutenir une société. Je vous remercie madame. Puis en plus c’était une dame qui avait tout fait. Elle avait ouvert une ferme, une épicerie, voilà. Puis aujourd’hui elle était dans une CCI. Bon. Je crois qu’elle avait raté en fait ce qu’elle avait entrepris et elle avait envie de transmettre en fait cette… ce dégoût, cette envie d’échec.
Virginie Legrand: Cette frustration, c’est de la frustration.
Florian Mézaud : Cette dame, elle m’a donné une force incommensurable. Petite dédicace. Et puis je crois que j’avais envie de faire un truc difficile et j’avais envie de rendre hommage à mes racines.
Virginie Legrand: En fait je pense que ce qui nous anime c’est vraiment cette idée de challenge et de se prouver aussi à soi. Alors après ça peut avoir des ressorts psychologiques mais de se prouver à soi qu’on peut aller jusqu’au bout de ce qu’on veut et en général quand on se donne les moyens on y arrive. Alors c’était très sérieux.
Damien Duquesne: Comment on peut quitter une agence, pareil, de confort, et puis se dire, attends, je me jette à l’eau, quoi ?
Sophie Gaubert : J’avais envie d’être libre, de défendre ce en quoi je crois. Tu vois, tu disais tout à l’heure, Coca chez moi, c’est pas possible. Bah moi aujourd’hui, je peux choisir les marques pour lesquelles je travaille, je peux choisir les équipes avec lesquelles je travaille, Et je n’ai personne au-dessus de moi qui va me dire ce que tu fais, ça va pas marcher. C’est exactement ce que tu disais. Aujourd’hui cette liberté, c’est une infinie source de joie, c’est un moteur. J’ai eu peur de me lancer, j’ai eu peur, parce que mon mari est aussi freelance, qu’il y a les pressions parentales. Oh, les deux freelance dans le couple, je sais pas si c’est une bonne idée. Et puis en fait je me suis dit, mais qu’est-ce que tu risques ? Toi, de toute façon, t’as 40 ans, t’as déjà 20 ans d’expérience derrière toi. Si ça marche pas, tu feras autre chose. Et aujourd’hui, cette liberté, cette possibilité de faire ma propre feuille de route fait qu’aujourd’hui, quand je vais travailler, je n’ai pas l’impression de travailler.
Virginie Legrand: Alors, pour clôturer sur ce qu’on dit là, parce qu’après on va faire un petit jeu, c’est Mark Zuckerberg qui disait « le plus grand risque, c’est de ne prendre aucun risque ». Je pense que, voilà, notre cheminement aussi fait que, moi pour ma partie, c’est vrai que j’étais prof, je me suis lancée dans le métier de chef, il y a 8 ans et demi, je suis fière de dire que j’ai aucune formation, j’ai fait aucune école, et 8 ans et demi, ça marche très bien. Je m’éclate. Les clients sont contents et je pense que c’est aussi un modèle de détermination. On n’est pas là pour s’auto-congratuler, mais on est là pour dire que tout est possible aussi quand on se donne les moyens, qu’on a l’énergie et la conviction que ça va marcher. Et moi, c’est vrai que quand je me suis lancée, plein de gens m’ont dit… Frappchite ! Je suis là avec vous. Alors, pour un petit peu plus de légèreté, je vous invite à prendre dans mon petit pochon, on va commencer par Sophie.
Florian Mézaud : Alors Pochon c’est quelle région ça ?
Virginie Legrand: Ecoute, j’ai des racines du Nord, c’est peut-être meilleur. Vous allez en choisir trois, c’est des questions courtes. Vous répondez tout de suite du tacodoc, si vous avez envie de dire une petite anecdote.
Florian Mézaud : Donc là on n’est plus libre, maintenant on n’est plus libre.
Sophie Gaubert : On doit enchaîner les trois questions.
Virginie Legrand: Vous enchaînez les trois chacun, donc on va faire Sophie… On ne regarde pas. Sophie, Damien, Florian. Allez Sophie.
Sophie Gaubert : Allez, je vais encore deux à prendre.
Damien Duquesne: Ah oui, on est vraiment dans la bouffe.
Virginie Legrand: Ah bah oui, c’est un peu le point commun.
Florian Mézaud : On est obligés de répondre ? Oui.
Virginie Legrand: Et si vous avez un petit truc à rajouter, n’hésitez pas. Allez Sophie.
Sophie Gaubert : Ah c’est pas facile. Bordelais, Bourgogne ou Azaz ? Bordelais. Citron vert ou citron jaune ? Citron vert.
Florian Mézaud : Pourquoi ?
Virginie Legrand: Parce que ça t’évoque… Oui, ça fait des évocations.
Sophie Gaubert : Il y a une sucrosité dans le citron vert qui me plaît plus que le citron jaune.
Virginie Legrand: Tout s’en va.
Damien Duquesne: Le zeste est plus parfumé.
Sophie Gaubert : Voilà. Génoise, bouddhacoise, génoise.
Virginie Legrand: Damien ?
Damien Duquesne: Vin blanc ou vin rouge ? Avant c’était le vin rouge mais je commence à aimer le blanc en fait. Et puis un vin blanc sec, minéral, c’est vrai qu’à l’apéro c’est pas mal. Qui pourrait très bien aller avec la deuxième question ? Parce qu’on pense toujours à vin rouge. Thérine ou rillette ? J’avoue, j’aime tout bien évidemment mais une rillette de canard, quand même, c’est quand même pas mal.
Florian Mézaud : Alors c’est quoi une vraie rillette ? La texture d’une vraie rillette ?
Damien Duquesne: C’est une célèbre marque de rillettes. C’est tartinable. Alors après, ça dépend des fibres, tu vois, si tu aimes beaucoup de fibres ou pas. C’est un taux de gras pas trop bien mixé, etc. C’est pas si simple à faire. Il faut surtout que ça soit très bien assaisonné. C’est du gras de la chair. Mais ce qui est compliqué, c’est de les lier ensemble et de vraiment d’avoir un truc un peu bien parfumé. Donc c’est poivre noir, puis moi toujours, je vais vous dire, romarin. Et puis après éclair ou tartelette. Alors moi, cette tartelette, parce que j’ai… Il y a quelques… un an, je vais dans une pâtisserie, à côté de… dans le 10ème, je vois une tartelette aux fraises, toute simple, sans glaçage, sans rien. Je la prends, je la mange, je pleure. J’avais la larme de bonheur. Ça faisait 15 ans que j’avais pas eu d’émotion sur un… J’aime pas beaucoup la pâtisserie. C’était simplement une pâte sucrée, une crème d’amandes à la fleur d’oranger, des fraises exceptionnelles, et dessous il y avait une petite pulpe de fraises. C’était sublime. Et du coup, ça a été ma Madeleine de Proust pendant un an, je pensais, parce qu’il fallait attendre que les fraises reviennent.
Virginie Legrand: Tu fais exprès, on est en connexion, parce qu’après j’ai une question sur la Madeleine de Proust.
Damien Duquesne: Et donc j’ai attendu un an, et après il y a eu un petit événement un peu familial, et là j’ai commandé 20 tartelettes aux fraises pour faire partager ma…
Virginie Legrand: On est d’accord que ce n’était pas en décembre du coup cette torte aux fraises ?
Damien Duquesne: Non, non, non, c’était exactement en juillet.
Virginie Legrand: C’est quoi la vraie saison d’affraise ?
Damien Duquesne: Alors il faut comprendre que malheureusement les fraises poussent plus dans la terre. 97 ou 98. Sauf chez Fiertil. Sauf au restaurant, d’accord. Et parce que nous on ne prend que des produits qui poussent dans la terre, sinon on n’en prend pas. Et à part la ferme urbaine, on est une ferme urbaine et on essaie de voir un petit peu ce qu’on peut faire avec eux. Et le résultat de nu est vraiment très intéressant. Et c’est des fraises plein champ. Moi j’ai des grandes émotions, des fois au mois d’août dans le Périgord j’ai des fraises extraordinaires, c’est incroyable. Mais c’est des fraises qui poussent dans la terre.
Florian Mézaud: Elles sont meilleures.
Damien Duquesne: Elles sont largement meilleures.
Florian Mézaud: Cuisine asiatique ou méditerranéenne ? Alors je serais tenté de dire asiatique mais pas celle que l’on connaît forcément. J’ai fait d’ailleurs un petit tour au Japon, en Corée du Sud. Et ben on n’a jamais mangé de cuisine asiatique en France. Coquillettes ou spaghettis ? Et ben spaghettis parce que j’aimerais bien mettre du bœuf limousin et de la tomate devant Une sorte de bolognaise. Exactement, une sorte de bolognaise. Mangue ou ananas ? Alors là, cette question, elle est un peu terrible, parce que je serais tenté de dire les deux, mais une mangue bien mûre, c’est assez rare, une mangue bien mûre, c’est plutôt réconfortant. Voilà. Très bien.
Virginie Legrand: Merci. Donc, j’ai envie que vous en tiriez encore un.
Damien Duquesne: Une pour toi.
Virginie Legrand: Alors, une pour moi, ok. Trois, trois, vas-y, tu me choisis trois.
Damien Duquesne: Tac, tac, tac. J’espère que ce sera difficile.
Virginie Legrand: C’est bien pour moi ça ! Amaretto ou Grand Marnier ? L’Amaretto.
Damien Duquesne: Et pourquoi ?
Virginie Legrand: J’adore le côté amande plus qu’orange. Un pêché mignon. Cep ou Morille ?
Sophie Gaubert : Cep.
Florian Mézaud: Il y a beaucoup de ça pour limousin.
Virginie Legrand: Bec salé ou bec sucré ? Non non je suis très bec salé donc moi la rillette ça me parle même à 5h du matin sans aucun problème.
Florian Mézaud: Alors cette histoire de bec elle vient d’où ? Il y a une petite histoire de cette expression ?
Damien Duquesne: Je connais pas.
Virginie Legrand: Je ne connais pas du tout.
Damien Duquesne: Tu la connais non ?
Florian Mézaud: Bah non mais on a une prof de français alors je me suis dit qu’on aurait… Merci de me mettre en défaut !
Damien Duquesne: C’est la bouche.
Virginie Legrand: Oui je sais pas.
Damien Duquesne: Bec-thé à mon avis c’est manger un petit peu comme un animal, manger plus vite.
Florian Mézaud: Mais il n’y a pas une petite.
Virginie Legrand: Fable ou… Non, mais la fable, vraiment la fable… Ah, on va regarder Google, on va demander à Google. Alors, je continue du coup.
Florian Mézaud: On est connectés en direct.
Virginie Legrand: Alors, la dernière question que je voudrais vous poser, c’était… Alors, je vais vous en donner une différente. Sophie, ce qu’il y a toujours dans ton réfrigérateur ? De la burrata. Explique-nous ce que c’est que la burrata, parce que peut-être certaines personnes ne savent pas.
Sophie Gaubert : C’est la partie crémeuse de la mozzarella. C’est extrêmement onctueux. Une bonne burrata est très goûteuse. Et j’en ai très souvent parce que le soir, surtout dans la saison estivale, j’adore improviser des salades. Il n’y a rien de plus simple à préparer avec un trait d’huile d’olive, une petite fleur de sel et un tour de poivre. C’est magnifique.
Virginie Legrand: Parfait. Florian ? Le plat régional auquel tu ne peux pas résister. Mais on ne parle pas du limousin. Hors limousin ! Non, non.
Sophie Gaubert : Hors limousin.
Florian Mézaud: Je ne dis pas mentir peut-être, quelque chose de très lourd, enfin je suis très gourmand, c’est aussi pour ça que j’ai créé une épicerie mais j’aime bien un plat chaud qui se mange bien chaud justement.
Virginie Legrand: Avec une bonne purée.
Florian Mézaud: Exactement, exactement et beaucoup de générosité dans la part qui est dans une assiette en porcelaine.
Virginie Legrand: Alors chef Damien, est-ce qu’on trouve bec salé, bec sucré dans ton appart ?
Damien Duquesne: Non, je suis du mal, je suis du mal.
Virginie Legrand: Bon alors la dernière question elle est pour toi.
Damien Duquesne: Ça vient de Lyon, ça vient de Lyon mais je n’ai pas de… Ah d’accord.
Virginie Legrand: Le plat de brasserie pour lequel tu es monomaniaque.
Damien Duquesne: Brasserie… Brasserie… Souvent je trouve pas ce que je veux dans une brasserie, c’est pas toujours terrible. Si… Monomaniaque.
Virginie Legrand: Bah c’est-à-dire… Dans une brasserie t’as toujours envie de prendre quelque chose, ça peut être le.
Damien Duquesne: Croque… Ouais mais c’est trop mauvais pour… Je tente… C’est très très rare.
Florian Mézaud: Ah je serais tenté de dire des frites maison tout simplement.
Damien Duquesne: Oui c’est vrai, mais sauf que 80% du temps je suis déçu. Ce serait un plat de bistrot alors. Parce que la brasserie franchement elle a été trop galvaudée. Si je veux un plat de bistrot réussi, je vais prendre un riz au lait. Alors 99% du temps, 80% du temps je suis déçu parce que je trouve que c’est pas bon. mais je dirais le riolet de la Mijan, je sais pas si vous le connaissez, c’est exceptionnel, c’est un riolet allégé avec une crème fouettée, avec une mousse caramel, et une nougatine, alors le secret de sa nougatine, c’est une nougatine un petit peu salée avec de la noix dedans. C’est extraordinaire, dédicace à la Mijan. Voilà, un riolet réussi.
Virginie Legrand: Dédicace à la Mijan. Alors, pour conclure cette session de convivialité très gourmande, un passage de la littérature proustienne qui me rappelle à ma première vie de professeur de lettres. Mais quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leurs gouttelettes presque impalpables, l’édifice immense du souvenir. Alors tu as anticipé tout à l’heure, c’est beau ! C’est beau ! Donc, pour vous, quelle est votre Madeleine de Proust ? C’est dur, mais ça je voulais pas poser en off.
Sophie Gaubert : Alors moi je l’aime à Madeleine de Proust. Parce que c’est un souvenir de ma grand-mère. Quand j’allais chez elle en vacances, le premier jour des vacances, elle faisait toujours des latkes. qui est un plat juif ashkanaz, parce que mon grand-père était juif. Et donc c’est des petites galettes de pommes de terre avec la pomme de terre râpée, de l’oignon râpé, de la farine et un jaune d’œuf. On mélange tout ça et on en fait des fines galettes que l’on fait frire à la poêle dans de l’huile. Et voilà, c’est forcément… Et vous mettez.
Damien Duquesne: De la confiture dessus ?
Sophie Gaubert : À en manger ça en salé.
Damien Duquesne: Pour toi c’était le départ des vacances.
Sophie Gaubert : Ouais, le premier jour des vacances, c’était les let’s go chez papy et mamie.
Virginie Legrand: Comment ça s’écrit ?
Florian Mézot: L A T K E U S.
Damien Duquesne: Alors ça s’appelle la crique, d’accord ? La galette aux pommes de terre.
Florian Mézot: Ça s’appelle la galette aux pommes de terre.
Damien Duquesne: C’est un plat modeste, de pauvres, c’est-à-dire c’est un plat vraiment… Avec trois foiriens, enfin, c’est génial, c’est hyper bon.
Virginie Legrand: Alors toi du coup, tu nous l’as déjà dit la madeleine, est-ce que t’en aurais une autre ?
Damien Duquesne: Ah non, la tarte aux fraises, c’est arrivé trop tard dans ma vie, parce que c’est ma madeleine.
Virginie Legrand: Alors, dis-nous ta vraie madeleine de pro.
Damien Duquesne: Alors ma madeleine, c’est… Je suis venu d’une famille nombreuse, etc. dans le sud-ouest, et une fois par an, à l’intermarché de mon petit village, il y avait des Rita. Alors les Rita, c’est des gaufres du nord. Alors on était dans le sud-ouest. Et ma maman avait ce souvenir d’enfance, et de ces gaufres, tu sais, comme Mers, des gaufres plates avec plein de sucre dégueulasse à l’intérieur, tu vois. Du faux sucre. Comme nous, on était quand même une famille modeste, etc. Une fois par an, comme elle voyait à l’intermarché une promotion sur ces galettes qui n’étaient jamais, ces galettes du Nord qui n’étaient jamais dans le Sud-Ouest, Je sais pas, il devait y avoir une quinzaine de chenors, un truc comme ça dans le truc. Et elle achetait 4, 5, 10 sachets parce qu’on était 4 frères et j’avais 4 frères. Et donc du coup là on se gaufrait de gaufres. Et aujourd’hui je peux pas passer devant ces gaufres sans penser à ma maman. Je les goûte toujours, c’est toujours aussi mauvais. Mais ça me fait toujours penser à ma maman donc au final c’est très bon quoi.
Virginie Legrand: Sophie, ta grand-mère s’appelle ? Thérèse.
Damien Duquesne: Ta maman ? Ma maman s’appelle Nicole.
Virginie Legrand: Quelle est ta madène de Proust, Florian ?
Florian Mézot: J’ai envie de rendre hommage à ma grand-mère qui ne faisait que cuisiner, enfin je veux dire, du matin aux soirées, elle cuisinait. J’arrive pas à les refaire comme elle, c’est les beignets fleurs d’acacia. C’est tout bête à faire, si je peux me permettre, mais c’était parfumé, c’était gourmand forcément parce que c’est un beignet. il y avait saupoudré de sucre mais pas trop et en même temps assez pour que ça donne envie d’y revenir. Et en fait c’est accessible à tous mais j’arrive pas à les refaire. Alors Chantal si tu m’entends…
Damien Duquesne: Elle est cuisée en grappes ?
Florian Mézot: Oui exactement.
Damien Duquesne: C’est incroyable, ça dure pas longtemps en plus. C’est éphémère, la fleur d’acacia c’est super éphémère.
Florian Mézot: Exactement, et puis je me rappelle, ils récoltaient aussi l’épice en lit pour en faire des salades.
Damien Duquesne: C’est extraordinaire parce qu’on a ce monde perdu qui va revenir, ce monde perdu des cueilleurs sauvages où naturellement ta grand-mère elle allait ramasser les fleurs d’acacia, l’épice en lit, le sureau, etc. Et ça commence à revenir et je me suis baladé en Auvergne récemment J’ai rencontré la dernière coopérative de cueilleurs sauvages. Ils sont une trentaine, et ils vivent que de la cueillette sauvage. Par période, ils commencent par les asperges sauvages, l’ail des ours, etc. Puis ils suivent toute la saison jusqu’en automne. et ils ont des concessions, des carrés, des droits, et ils récoltent, ils sèchent, et ils vendent à la coopérative, et la coopérative va vendre à la pharmacie. Tout ce qui est pharmacie, bio, etc. Et il y a encore 20 ou 30 cueilleurs sauvages en France dans cette coopérative qui est extraordinaire en Auvergne.
Florian Mézot: Mais sur le point où on a en rajouté une autre, c’est des petits cèpes poilés, c’est quand même sympa.
Damien Duquesne: Des cèpes poêlées, à Ypercy, on est d’accord ? Alors désolé, mais ça va pas te plaire, ça s’appelle des cèpes à la bordelaise.
Florian Mézot: Bon bah personne n’est parfait.
Virginie Legrand: Et moi je rendrais hommage à ma grand-mère, Jeannine.
Damien Duquesne: Décidément.
Virginie Legrand: Voilà, mais qui est encore de ce monde, 97 ans.
Damien Duquesne: Des noms qui sont dotés.
Virginie Legrand: C’est ça.
Damien Duquesne: Des prénoms.
Virginie Legrand: Et moi ma baleine de proue c’est ses bunes.
Damien Duquesne: Ah oui.
Virginie Legrand: Voilà, des bunes tout simplement, voilà, baignées avec du sucre glace et récemment on a fait avec ma fille de 13 ans et voilà, les trois générations.
Florian Mézot: Tu fais une entorse là, c’est du sucré.
Virginie Legrand: C’est vrai !
Damien Duquesne: Alors attention, parce que c’est extraordinaire, parce que les quatre plats qu’on a cités, c’est quatre plats un peu gras. Deux fritures, trois fritures, et moi c’est les gaufres, c’est pas une friture mais il y a du gras et du sucre.
Dorine: Mais le gras c’est la vie.
Virginie Legrand: Le gras c’est la vie. On a dit, mon podcast s’appelle Passion sans modération, et effectivement je pense que la gourmandise est sans modération.
Damien Duquesne: Non, moi ma montagne de prouces c’est un plat vegan.
Florian Mézot: Pour la petite histoire, j’ai vendu à des vegans sur un marché parisien du saucisson de cochon quinoa. Je leur ai dit mais vous êtes vegan, vous venez de me le dire. Enfin c’est bon, c’est pour moi. Ah d’accord.
Virginie Legrand: J’adore terminer là-dessus.
Damien Duquesne: Fiertile à sauver un vegan.
Virginie Legrand: Alors en tout cas, merci à vous trois pour ce moment qui a su faire émerger de belles énergies, de belles convictions intérieures. Pour moi, notre échange, le premier podcast, a eu beaucoup de sens. Votre identité est belle et je pense que vous avez beaucoup inspiré celles et ceux qui ont suivi l’épisode. Donc merci infiniment à toi, Florian.
Florian Mézot: Merci à toi, surtout.
Virginie Legrand: À toi, Damien. C’est déjà fini ? Oui, c’est déjà fini. Et à toi, Sophie.
Dorine: Avec plaisir. Merci, Virginie.
Virginie Legrand: À bientôt.
Dorine: À bientôt.
Merci à mes invités pour ce sublime entretien.
Vous pouvez retrouver Sophie Gaubert par ici : https://sophiebrandstoryteller.com/about-me/
L’épicerie Limousine de Florian Meizaud se trouve au 2 bis rue Paul Vaillant-Couturier 92140 Clamart
et le restaurant 750g la table de chef Damien Duquesne est situé 397 Rue de Vaugirard 75015 Paris. : https://resto-chefdamien.com/
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